Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/541

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anéantit toutes les opérations et les combinaisons de notre ame. — D’une passion, ma chère, continua mon père en s’adressant à ma mère, qui réunit et assimile les sages avec les fous ; et qui nous fait sortir de nos cavernes et de nos retraites plutôt comme des satyres et des animaux, que comme des hommes.

» Je sais que l’on me dira, continua mon père, employant la prolepsie, qu’en lui-même et dépouillé de ses accessoires, ce besoin est comme la faim, la soif, le sommeil, et ne peut être regardé comme bon ni comme mauvais, comme honteux ni autrement. — Mais pourquoi donc la délicatesse de Diogène et de Platon s’en est-elle si fort révoltée ? Pourquoi n’osons-nous nous y livrer que dans les ténèbres ? Pourquoi ses mystères, ses préparations, ses instrumens, enfin tout ce qui y a rapport, ne peut-il être décemment exprimé par aucun langage, aucune traduction, aucune périphrase quelconque ?

» L’action de tuer un homme et de le détruire, continua mon père, en haussant la voix et s’adressant à mon oncle Tobie, — cette action, vous le savez, passe pour glorieuse. Les armes que nous y employons sont honorables ; nous les portons fièrement sur