Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/221

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LE SOUPER.


Un fer se détacha d’un pied de devant du cheval de brancard, en commençant la montée du mont Tarare ; le postillon descendit et le mit dans sa poche. Comme la montée pouvoit avoir cinq ou six milles de longueur, et que ce cheval étoit notre unique ressource, j’insistai pour que nous rattachassions le fer aussi bien qu’il nous seroit possible ; mais le postillon avois jeté les clous, et sans eux, le marteau qui étoit dans la chaise ne pouvant pas nous servir, je consentis à continuer notre route.

À peine avions-nous fait cinq cens pas que, dans un chemin pierreux, cette pauvre bête perdit le fer de l’autre pied aussi de devant. Je descendis alors tout de bon de la chaise, et apercevant une maison à quelques portées de fusil, à gauche du chemin, j’obtins du postillon qu’il m’y suivroit. L’air de la maison et de tout ce qui l’entouroit ne me fit point regretter mon désastre. C’étoit une jolie ferme entourée d’un beau clos de vigne et de quelques arpens de bled. Il y avoit d’un côté un potager rempli de tout ce qui pouvoit entre-