Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/224

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Le vieillard, dans sa jeunesse, avoit su jouer assez bien de la vieille, et il en jouoit encore passablement. La femme l’accompagnoit de la voix ; et les enfans et les petits enfans dansoient… Je dansois moi-même, quoique assis…

Au milieu de la seconde danse, à quelques pauses dans les mouvemens où ils sembloient tous lever les yeux, je crus entrevoir que cette élévation étoit l’effet d’une autre cause que celle de la simple joie… Il me sembla, en un mot, que la religion étoit mêlée pour quelque chose dans la danse… Mais comme je ne l’avois jamais vue s’engager dans ce plaisir, je commençois à croire que c’étoit l’illusion d’une imagination qui me trompe continuellement, si, la danse finie, le vieillard ne m’eût dit : Monsieur, c’est-là ma coutume ; dans toute ma vie, j’ai toujours eu pour règle, après souper, de faire sortir ma famille pour danser et se réjouir ; bien sûr que le contentement et la gaîté de l’esprit sont les meilleures actions de grâces qu’un homme comme moi, qui n’est point instruit, peut rendre au ciel.

Ce seroient peut-être même aussi les meilleures des plus savans prélats, lui dis-je.