Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/225

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LE CAS DE DÉLICATESSE.


Quand on est arrivé au sommet de la montagne de Tarare, on est bientôt à Lyon. Adieu alors à tous les mouvemens rapides ! Il faut voyager avec précaution ; mais il convient mieux aux sentimens de ne pas aller si vite. Je fis marché avec un voiturier pour me conduire dans ma chaise aussi lentement qu’il voudroit à Turin par la Savoie.

Les Savoyards sont pauvres, mais patiens, tranquilles, et doués d’une grande probité. Chers villageois, ne craignez rien ! le monde ne vous enviera pas votre pauvreté, trésor de vos simples vertus. Nature ! parmi tous tes désordres, tu agis encore avec bonté lorsque tu agis avec parcimonie. Au milieu des grands ouvrages qui t’environnent, tu n’as laissé que peu ici pour la faulx et la faucille ! mais ce peu est en sûreté ; il est protégé par toi. Heureuses les demeures qui sont ainsi mises à l’abri de la cupidité et de l’envie !

Laissez d’ailleurs le voyageur fatigué se plaindre des détours et des dangers de vos routes, de vos rochers, de vos précipices, des difficultés de les gravir, des horreurs que