Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/297

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ÉLOGE
D’ELIZA DRAPER,
PAR L’ABBÉ RAYNAL.


Territoire d’Anjinga, tu n’es rien ; mais tu as donné naissance à Eliza. Un jour ces entrepôts de commerce, fondés par les Européens sur les côtes d’Asie, ne subsisteront plus. L’herbe les couvrira, ou l’Indien vengé aura bâti sur leurs débris, avant que quelques siècles se soient écoulés. Mais, si mes écrits ont quelque durée, le nom d’Anjinga restera dans la mémoire des hommes. Ceux qui me liront, ceux que les vents pousseront vers ces rivages, diront : c’est-là que naquit Eliza Draper ; et s’il est un Breton parmi eux, il se hâtera d’ajouter avec orgueil, et qu’elle y naquit de parens anglais.

Qu’il me soit permis d’épancher ici ma douleur et mes larmes ! Eliza fut mon amie. Ô lecteur, qui que tu sois, pardonne-moi ce mouvement involontaire ! laisse-moi m’occuper d’Eliza. Si je t’ai quelquefois attendri sur les malheurs de l’espèce humaine, daigne aujourd’hui compatir à ma propre infortune.