Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/306

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Vous avez entendu parler, continua-t-il, de ce vieux lord Bathurst, que vos Popes et vos Swifts ont tant chanté ; j’ai passé ma vie avec des génies de cette trempe ; mais je leur ai survécu ; et désespérant de trouver leurs égaux, il y a quelques années que j’ai fermé mes livres, avec la résolution de ne plus les ouvrir ; mais vous m’avez fait naître le désir de les ouvrir encore une fois avant que je meure ; ce que je fais… Ainsi venez au logis, et dînez avec moi ».

Ce seigneur, je l’avoue, est un prodige ; car à son âge il a tout l’esprit et la vivacité d’un homme de trente ans ; il possède, au suprême degré, l’heureuse faculté de plaire aux hommes et celle de se plaire avec eux : ajoutez à cela qu’il est instruit, courtois et sensible. Il m’a entendu parler de toi, Eliza, avec une satisfaction peu commune : il n’y avoit qu’un tiers avec nous, qui étoit susceptible de sensibilité aussi… et nous avons passé jusqu’à neuf heures ; l’après-dînée la plus sentimentale ; mais, Eliza, tu étois l’étoile qui nous dirigeoit, tu étois l’ame de nos discours !… Et lorsque je cessois de parler de toi, tu remplissois mon cœur, tu échauffois chaque pensée qui sortoit de mon