Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/350

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qui ne savent disposer ni du temps ni d’eux-mêmes ; que quelque brillans qu’ils paroissent à l’homme sans expérience, ils sont si éloignés de l’idée qu’on se fait du bonheur, que c’est beaucoup de leur échapper sans chagrins ; qu’ils laissent derrière eux les suites les plus fâcheuses, et que d’ailleurs il est pénible pour un homme sage d’être sans cesse enfermé dans un cercle importun, duquel il ne peut s’élancer quand il veut. Il vous dira qu’un homme à caractère doit soigner ses enfans veiller à leur intérêt, les placer au-delà du terme des besoins et de la dépendance ; que s’il est quelque félicité sur la terre, elle consiste dans l’accomplissement de ces conditions, et que si Dieu bénissoit ses efforts, il seroit le plus heureux parmi les fils des hommes.

Plein de cette conviction, l’esclave se courbe et se remet au travail. Il court, achète, vend, échange, se lève avec l’aurore, prend à peine un instant de repos, et mange le pain de la sollicitude jusqu’à ce qu’il ait atteint, outrepassé même le but de ses peines. Eh bien ! quand il y touche, s’il veut être sincère, il conviendra aisément que la réalité est au-dessous de la peinture coloriée par son imagination ; que couché sur cet amas de richesses,