Grâce à ses malencontreuses spéculations, José le brocanteur avait été contraint de demeurer éternellement célibataire ; Pierriche, au contraire, qui n’avait aucunement le génie du commerce, avait rencontré de bonne heure un cœur qui répondit au sien, et après une cour assidue de cinq ans, neuf mois et vingt-huit jours, il avait juré, au pied des autels, une inviolable fidélité à Marie Madelon, Madeleine ou Madelinette, car c’est ainsi qu’il appelait tour-à-tour sa chère femme, suivant que le baromètre de son humeur était au beau fixe, au variable ou à l’orage.
Ces époux champêtres avaient choisi, pour résidence, une chaumière perchée sur une butte, espèce de nid rustique presqu’enfoui sous le feuillage épais d’arbres de toute venue qui se miraient dans l’onde transparente d’une petite rivière bien capricieuse coulant tout exprès au pied de la butte pour désaltérer Pierriche et Madelon et ses enfants, car j’ai oublié de dire que Pierriche était père de famille.
À l’époque où commence cette histoire, il avait quatre enfants — dont un au berceau, — ce cher Pierriche ; — plus une vache qui lui donnait du lait, du beurre et un veau chaque printemps, plus une paire de bœufs pour labourer son champ, un goret en bas âge, et enfin, — puisqu’un historien fidèle ne doit omettre aucun détail, — deux oies et un jars, et quelques volailles.
C’était une singulière pâte d’homme que Pierriche. Quelqu’un qui ne l’aurait pas vu à son foyer domestique aurait juré qu’il était la crème des maris présents, passés et futurs. Sous sa rude et grossière enveloppe il avait, en effet, tant de tendresses pour ses enfants ; il disait si souvent, à qui voulait l’entendre, que sa Madelinette était la perle des femmes ; tous les dimanches et jours de fête il faisait si allègrement, par n’importe quel temps, deux grandes lieues pour se rendre