homme fait dix fois plus de besogne qu’aucune d’elles dans une journée.
L’hiver, quand les jours sont si courts et les tempêtes de neige parfois si redoutables au loin, Pierriche venait-il à s’attarder à bûcher dans le bois, Madelon comptait les minutes avec inquiétude ; à chaque instant elle allait interroger le chemin, prêtant l’oreille au moindre bruit qui annonçât l’arrivée du retardataire, et si l’époux la surprenait ainsi, au lieu de lui savoir gré de ce témoignage de tendresse, il reprenait de sa voix la plus grognonne :
— Tiens ! Madelon, je gage bien que tu me croyais perdu ?…... Bientôt, pour te faire plaisir, il faudra sans doute que je laisse les arbres se bûcher et les souches s’arracher tout seuls : à moins que tu n’aies l’envie d’y aller toi-même. Ma bonne vérité, je crois que tu en ferais du propre…... Ah ! les femmes ! les femmes ! ne m’en parlez pas, un homme fait dix fois plus de besogne qu’aucune d’elles dans une journée.
Bref, hiver comme été, printemps comme automne, Pierriche, le bon Pierriche, l’excellent Pierriche, le modèle du canton et de bien loin, chantait toujours la même gamme, rien que la même gamme, à propos de tout et à propos de rien.
Que voulez-vous, c’était passé chez lui à l’état de maladie chronique, de tic douloureux ; il ne pouvait plus vivre sans grogner, et il grognait d’autant plus que Madelon, cette pauvre chère Madelon, ne répondait à ses rebuffades que par des larmes dévorées en silence et une patience angélique.
Il y avait déjà environ huit ans que Pierriche, devenu son propre bourreau, tirait continuellement à