Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
PIERRICHE.

Oh ! dans ce temps-là tu m’aimais bien plus qu’aujourd’hui. Et cependant ai-je gaspillé ton butin ? N’est-ce pas moi qui ai filé, taillé et cousu ton capot et tes culottes de dimanches ? As-tu jamais acheté, dans le fort, une verge d’indienne pour les enfants ? N’est-ce pas moi qui ai habillé Pierrot, et notre petit Baptiste ? N’est-ce pas moi qui ai fait tous les habillements de notre pauvre chère petite Josette ? Oh Pierriche ! Pierriche ! j’avais bien raison de dire tout-à-l’heure que tu n’aimes plus Madelon ?

Et Madelon essuya ses larmes avec le coin de son tablier.

— Ouaiche ! fit Pierriche qui commençait à s’émouvoir, car en définitive il se sentait coupable, tout cela ne veut rien dire ; un homme est un homme et une femme n’est qu’une femme… et un homme fait dix fois plus de besogne dans sa journée qu’aucune créature dans tout le pays.

— Oui-dà ! reprit Madelon, et bien ! s’il est vrai qu’un homme fait dix fois plus de besogne qu’une créature, veux-tu faire mon ouvrage demain, Pierriche, et moi je ferai le tien ?

— Oh ! ah ! ah ! en voilà une bonne, exclama Pierriche, en riant de son plus gros rire, mais deviens-tu folle, Madelon ?

— Point du tout… veux-tu, Pierriche, mon bon Pierriche ?

— Comme tu voudras, Madelon.

— Eh bien ! c’est fait… à demain.

— Oui, oui, à demain Madelon, et tu verras si une créature peut faire dix fois plus de besogne qu’un homme.