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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/127

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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR.

Il y avait en effet grand bal à l’intérieur. Il s’agissait de payer un bouquet, et cette fête, très commune au village, avait réuni une nombreuse société dans la maison aux vitres illuminées, dont l’heureux hôte, M. Jean-Baptiste Souci dit Va-de-boncœur, propriétaire d’une terre de trois cents arpents, avait de plus l’honneur d’être le père du héros de cette histoire.

Le rez-de-chaussée de cette grande habitation n’était composé que de deux pièces, séparées d’une cloison qui pouvait s’ôter à volonté. Dans celle du fond, des jeunes filles endimanchées, et même de bonnes mamans dansaient gaîment, follement, aux sons monotones d’un tambour de basque et d’un crincrin criard ; tandis que dans la chambre d’entrée, les vieux réunis autour d’un poêle immense, où brûlaient en pétillant de grosses bûches d’érable, écoutaient avec déférence et force exclamations, les récits extraordinaires que leur faisait M. Petit-Jean, revenu depuis peu de Californie.

Ce monsieur Petit-Jean, — qu’on aurait pu très-bien appeler Grand-Jean, car il avait six pieds, mesure française, ce qui n’est pas peu dire, — accusait plus de trente ans quoiqu’il n’en eût que vingt-cinq. Porteur d’une physionomie insignifiante et vulgaire, il était parvenu à se la rendre tout-à-fait ridicule, par une paire de moustaches audacieusement retroussées, dont les pointes effilées comme des aiguilles menaçaient à chaque instant de percer ses grosses narines. Il portait, ce soir-là, une redingote bleue à larges boutons dorés, un gilet rouge sur lequel serpentait une grosse chaîne d’or, un pantalon du plus beau vert, et des bagues à tous les doigts. Les histoires qu’il débitait avec un aplomb imperturbable, tout en mordillant un cigare qui ne quittait pas ses lèvres, avaient jusqu’alors rencontré des auditeurs crédules, mais au moment où nous allons reproduire la fin de cette étonnante allo-