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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/132

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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR

ces sortes de spectacles gratis, et appartenant à la lie de la société, étaient accourus faire cercle autour de ces deux hommes, et loin de les séparer, les excitaient au contraire, par des paroles grossières, et d’odieuses plaisanteries, à se faire le plus de mal possible. Cependant l’Américain râlait, une écume blanchâtre suintait de ses lèvres contractées. De temps à autre, par un effort violent et désespéré, il cherchait à mordre cette main de fer qui lui étreignait le gosier, mais sa tête soulevée un instant, retombait lourdement sur le sol, et de sa bouche entr’ouverte sortait en sifflant une respiration pénible et saccadée.

Pierre triomphait ; déjà même il se disposait à lâcher son misérable adversaire, car il ne tenait nullement à l’étrangler tout-à-fait, mais il voulait bon gré mal gré ravoir son portefeuille, lorsque l’ignoble cercle s’entr’ouvrit tout-à-coup et livra passage à deux messieurs décorés d’une étoile aux armes de la grande république et porteurs, chacun, d’un bâton noir, court et gros, aussi dur que pesant, marques distinctives de leurs fonctions. Bientôt Pierre se sentit saisi vigoureusement au collet par un de ces messieurs, tandis que l’autre lui faisant lâcher prise d’un coup de bâton qui faillit lui casser le bras, soulevait avec précaution l’homme à la redingote bleue et le remettait délicatement sur pieds.

Si Pierre eût connu l’anglais, c’était le moment de donner des explications qui auraient amené infailliblement la découverte de son précieux portefeuille ; malheureusement il ne parlait cette langue que très imparfaitement et son accent surtout était des plus déplorables ; aussi tout ce qu’il crut dire de plus touchant, de plus pitoyable, fut-il accueilli avec un sourire de pitié méprisante par ces deux honorables représentants de la force publique. Le souvenir de son sac de voyage contenant toute sa garde-robe lui revint