à peu la conversation devint plus générale, et Pierre l’ayant enfin ramenée à son point de départ :
— Des mines, il y en a partout, mon cher monsieur Souci, mais les bonnes mines commencent à se faire rares.
Pierre, s’apercevant qu’il avait devant lui un honnête homme, et cédant à ce besoin d’expansion qu’éprouvent tous les malheureux, se mit alors à raconter à son hôte, sans omettre le moindre détail, toutes ses mésaventures depuis son arrivée en Californie.
— Ah ! les canailles, exclama le père Durand. Tenez, monsieur Souci, je vous le dis en toute vérité, car je les connais bien, depuis six ans que je suis sur ce bord-ci, les trois quarts des yankees ne valent pas les quatre fers d’un chien. Mais à propos, qu’allez-vous faire maintenant ? Vous n’irez pas loin avec deux piastres, et d’ailleurs, il ne faut pas songer aux mines pour le moment. Voilà la saison des pluies qui approche, et les travaux vont être suspendus. Vous m’avez l’air bon enfant ; vous resterez ici avec nous, si vous le voulez, jusqu’à ce que les travaux reprennent. D’ici à ce temps-là, vous apprendrez à connaître votre monde. Il vient ici toutes sortes de gens. Vous m’aiderez comme vous pourrez, et je vous apprendrai la cuisine, ce qui ne vous sera pas inutile plus tard, car dans ce pays-ci, voyez-vous, il est bon de savoir un peu tout faire et faire de tout.
Pierre accepta avec reconnaissance l’offre de M. John Durand, et le soir même, il écrivit à ses parents qu’il était arrivé, sain et sauf, à San-Francisco, après une traversée de cinq mois et demi, qu’il se portait très-bien, et que des circonstances indépendantes de sa volonté, l’avaient empêché de donner plus tôt de ses nouvelles. Il leur faisait part en même temps de ses espérances de fortune, disant qu’il allait bientôt partir