large, garnie de tables inoccupées pour la plupart, qu’un nègre, d’une stature athlétique, et du plus beau noir, était occupé à couvrir de nappes d’une propreté équivoque.
Le plafond, bas et enfumé, était supporté par des étançons de bois en forme de colonnettes, et allait en se rétrécissant vers le comptoir où un bec de gaz, à moitié ouvert, dans le double but d’éclairer la « bar » et d’allumer les pipes, jetait une lueur blafarde sur les figures d’une demi-douzaine d’individus en train de boire et causant bruyamment.
L’odeur méphytique du gaz, l’air parfumé s’exhalant de la cuisine et des pipes, les éclats de voix des consommateurs dont l’accent nazillard et trainant accusait l’ivresse, firent presque regretter à Pierre de s’être aventuré dans cette taverne. Il n’en alla pas moins cependant prendre place à la table la plus éloignée, et demanda à dîner.
Pierre eut bientôt terminé son repas, car il n’avait voulu accepter qu’un modeste plat de mouton bouilli, coté un chelin sur la carte, quoique le nègre lui eût indiqué avec une volubilité étonnante, une dixaine de mets plus ou moins étranges ; et il se disposait à payer son écot et à sortir au plus vite quand la bonne et franche figure de l’hôtelier fit irruption dans la salle.
La vue de cet homme lui fit du bien. Un pressentiment secret dont il ne pouvait se rendre compte lui disait : tu trouveras dans ce compatriote un ami et un guide sûr, vas à lui et interroge son expérience.
Pierre alla donc à l’hôtelier et lui demanda s’il y avait loin pour aller aux mines.
Ce dernier reconnaissant tout de suite qu’il avait affaire à un Canadien fraîchement débarqué, au lieu de répondre, se mit au contraire à questionner. Peu