traitements de ses deux tyrans, leur réclama son dû ; ceux-ci, après quelques difficultés, le payèrent en billets de banque crasseux.
Pierre se dirigea alors plus loin. Après deux journées de marche, il arriva à un certain endroit où une dizaine de mineurs lui parurent travailler gaiement et avec ardeur. S’imaginant qu’il n’avait qu’à se présenter pour être reçu à bras ouverts, Pierre alla résolument aux travailleurs ; mais quelle ne fut pas sa stupéfaction lorsqu’aux premières paroles qu’il prononça, en hasardant un joyeux bonjour, il reçut pour toute réponse, d’un individu qui paraissait le chef de la bande, cette apostrophe brutale qu’il ne se fit pas répéter :
— Au large, chien d’Allemand, et vite… ou nous te secouerons la carcasse de telle manière que tu t’en souviendras encore au jour de tes noces.
Allons, pensa tristement Pierre, les Yankees ne sont guère plus hospitaliers que polis. Le père Durand a mille fois raison et je commence à croire que ses sentiments, à leur égard, ne sont pas exagérés.
Vers le soir, notre chercheur d’or, accablé de fatigue et les pieds meurtris, aperçut à une assez grande distance, les fumées d’un campement nombreux. Il aurait, en ce moment, donné de grand cœur la moitié de sa petite fortune, pour se voir transporté tout-à-coup à côté d’un de ces feux lointains, où devaient se trouver sans doute quelques compatriotes, car l’expérience lui avait déjà appris que les distances sont trompeuses au désert, et dans l’état de prostration où il se voyait, il calculait, avec un effroi voisin du désespoir, la longueur de chemin qui le séparait encore de cette autre terre promise.
Heureusement pour Pierre, il côtoyait alors un ruisseau qui devait être rivière dans la saison des pluies.