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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/146

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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR

Il s’assit péniblement sur le bord, et après avoir ôté ses chaussures poudreuses et retroussé ses pantalons jusqu’au-dessus du genou, il trempa ses pieds endoloris dans l’eau fraîche. Ce bain ranima quelque peu ses forces, et Pierre se remit en route, l’œil fixé sur ces fumées bleuâtres, s’élevant comme autant de panaches vers le ciel étoilé. Quelquefois un hurlement sinistre, forcené, reveillant les échos, venait frapper l’oreille tendue du voyageur, et lui faisait presser le pas, malgré sa lassitude.

Enfin, il arriva en face du camp. Les aboiements de plusieurs chiens signalèrent sa venue. Pierre n’en continua pas moins sa marche, mais bientôt une traînée de feu partant du haut d’une charrette renversée, illumina la figure d’un mineur faisant le guet, et un effroyable coup de fusil retentit au loin. Pierre entendit deux ou trois balles passer en sifflant autour de ses oreilles, et soit excès de frayeur, soit excès de fatigue, tomba par terre ne bougeant pas plus qu’un mort.

Cependant on était venu à lui. Pierre se laissa emporter comme une masse inerte, les jambes et les bras pendants, et se sentit déposer doucement près d’un bon feu. Lorsqu’il se réveilla le matin, il se vit entouré de plusieurs individus, au visage bruni par le soleil, se livrant aux suppositions les plus contradictoires sur son compte, dans un langage aimé qui caressa ses oreilles mieux que la plus douce musique.

Il se trouvait enfin au milieu de ses compatriotes : aussi oublia-t-il bien vite ses fatigues et ses déboires, et dès le lendemain il recommença à miner avec une énergie d’autant plus grande qu’il travaillait pour son propre compte. Chaque jour lui rapportait quelque chose, et il voyait avec un orgueil légitime, s’enfler, petit à petit, le sac de peau contenant sa poudre d’or.