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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR

sage d’une caravane qui s’en retournait à San-Francisco à petites journées, il quitta les mines,

Jurant, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

De retour à la ville, Pierre, voulant avoir de l’or, présenta ses billets de banque à un courtier. Celui-ci, après les avoir examinés, déclara à notre ami consterné qu’il y avait un escompte de 95 par cent sur chacun d’eux, et lui demanda de qui il les tenait.

— De deux misérables Yankees, répondit sourdement Pierre, qui m’avaient engagé aux mines moyennant quatre piastres par jour.

— Comment, imbécile, grommela le courtier dont l’oreille avait été désagréablement chatouillée par ce qualificatif de misérable, comment, vous allez gratter du bon or pour vos maîtres, et vous acceptez en paiement du méchant papier qui, avant quinze jours, ne sera plus même bon à allumer votre pipe ? Voyons, voulez-vous que je vous le change ? vous avez ici cent quatre-vingt-douze piastres ; déduction faite de l’escompte, il vous reviendra neuf dollars et soixante cents. Eh bien ?

— Donnez, dit Pierre, et il sortit tristement en prenant la direction du Rendez-vous des Canadiens.

— Comment c’est vous, Monsieur Souci ? déjà de retour ! s’écria le père Durand, du pas de sa porte, en voyant Pierre venir à lui. Il faut que vous rapportiez