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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/147

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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR.

Une fois même que les souvenirs classiques assaillaient sa mémoire avec plus d’opiniâtreté que de coutume, il avait poussé la témérité jusqu’à s’appliquer, tout en le récitant avec emphase, ce vers de Virgile :

Audaces fortuna juvat, timidosque repellit.

Mais, hélas ! le pauvre Pierre comptait sans la maladie et surtout sans les médecins de Californie et la friponnerie de ses premiers maîtres.

Un beau matin, ou plutôt un triste matin, il ne put aller aux mines. La fièvre le retenait au camp, cloué sur une misérable robe de buffle appartenant à un de ses compagnons. Une soif ardente le dévorait, et quoiqu’il pût faire pour l’étancher, le feu qui circulait dans ses veines, desséchait sa gorge enflammée. Pour comble de malheur, le pauvre malade tomba entre les mains d’un Sangrado Yankee dont tout le bagage médical se composait d’une trousse et de quelques onces de calomel et de quinine.

Grâce à l’excellente constitution de son sujet, le disciple d’Hyppocrate le remit bien sur pied, à la vérité, après un traitement d’une quinzaine de jours ; mais il ne lui laissa pas un grain de sa poudre d’or, et poussa même la barbarie jusqu’à lui ôter toute envie d’en chercher de sitôt.

— Si vous retournez aux mines, avait-il dit en recevant le contenu du petit sac de Pierre, vous courez dix chances contre une que la fièvre vous reprendra, et les rechutes sont presque toujours mortelles.

Que faire ?… Pierre était jeune et tenait à la vie ; et puis il lui restait encore les cent quatre-vingt-douze piastres en billets de banque qu’il avait reçus en paiement de ses premiers maîtres ; profitant donc du pas-