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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR

À son arrivée dans la capitale de la Louisiane, Pierre se mit aussitôt à la recherche d’un logement et n’eut pas de peine à trouver une pension modeste dans un des quartiers les plus populeux de la ville. Puis il se mit à parcourir la quatrième page des journaux et écrivit différentes lettres relatives aux annonces qu’il y trouva. Il faudra décidément que j’aie bien du malheur, se disait-il en cachetant ses lettres, si, parmi tous ces annonceurs je ne puis me faire agréer d’un seul. Les emplois, il est vrai, ne sont pas clairement spécifiés, mais il me semble que je pourrai toujours, d’une manière ou de l’autre, me rendre utile, et remplir ainsi, à la lettre, cette formule banale qui termine presque toutes les annonces que j’ai recueillies.

Cependant les jours se passaient, et toutes ses lettres demeuraient sans réponse. Pierre qui n’avait aucune occupation pour tromper ses ennuis tomba peu à peu dans un morne découragement. Il ne sortait plus, et passait des journées entières, se promenant de long en large dans la misérable solitude de sa chambre, à récapituler ses revers et à interroger tristement l’avenir.

Un matin qu’il avait passé une nuit plus agitée que les autres, Pierre s’habilla à la hâte et sortit en prenant la direction de la levée, bien résolu à ne pas rentrer sans avoir trouvé une occupation quelconque.

Il est impossible, disait-il en se livrant à un monologue animé, que dans une grande ville comme celle-ci, un homme qui veut travailler ne trouve point d’ouvrage. J’irai charger ou décharger des bâtiments, s’il le faut, aider les maçons, gâcher du mortier, n’importe, pourvu que je puisse secouer cette oisiveté qui me tue. Mais triple bête que je suis ! si au lieu d’avoir écrit aux personnes, j’étais allé les trouver, je serais peut-être placé depuis longtemps. Mahomet n’était pas un sot quand il disait à ses soldats : mes amis, la mon-