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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/158

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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR

nier, il ne croit pas être trop savant pour manier un fléau ou modérer l’ardeur d’un cheval traînant la charrue. L’an dernier, il a été nommé, à l’unanimité, président des commissaires d’école. Cette année, il s’est assis au banc des marguilliers ; l’an prochain il deviendra probablement préfet du comté.

Pierre aimé tendrement par sa femme, fêté, choyé par tout le monde, se fait un plaisir et un devoir de raconter, dans les veillées, sa longue et folle odyssée, sans omettre le moindre détail. Ses aventures dans la cuisine du père Durand et dans la cambuse du Flying fish égayent autant ses auditeurs attentifs que les faits et gestes de l’intéressant docteur Killmany ; mais Pierre, tout en amusant ceux qui l’écoutent, ne perd aucune occasion de les instruire et de les attacher à leur pays, et il ne termine jamais ses agréables récits sans répéter ces mots que tout vrai Canadien comprendra : heureux celui qui laboure la terre paternelle et récolte en paix ses produits ! Si ceux-là que la tentation de l’or a séduits, écoutaient davantage leurs Pasteurs et les gens d’expérience, ils maudiraient les États, et comprendraient aussi bien que moi, que la sphère de leur bonheur et de leurs devoirs se trouve à la place où le bon Dieu ne les a pas fait naître sans dessein.