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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/157

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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR.

autour d’elles. Deux ou trois étaient toutes fraîches, et leur surface bombée, où se dessinaient encore les pelletées d’une terre noire et glaiseuse, faisait tache dans le champ du repos.

Un pressentiment sinistre lui traversa alors l’esprit, et cédant à une impulsion plus forte que lui, il franchit d’un bond la clôture, et se dirigea, l’œil ardent, le cœur battant à rompre dans sa poitrine, vers l’endroit du cimetière où il avait remarqué ces tombes nouvelles.

Pierre en eut rapidement passé l’inspection ; arrivé à la dernière, il poussa un cri déchirant, et tomba à terre, à genoux, sur cette tombe, en face de cette croix de bois, en murmurant à travers des sanglots étouffés : mon père ! mon père ! mon père !

Quand Pierre se releva, il ne pleurait plus : mais on lisait sur sa figure mâle et résignée une résolution énergique. Il avait juré de se livrer tout entier à la culture de l’héritage de ses ancêtres. Cette dignité d’homme qu’il avait perdue aux États, il venait de la retrouver sur la tombe de son père.

Aussi se dirigea-t-il d’un pas plus assuré vers la maison paternelle, où l’attendait depuis longtemps sa pauvre mère, en deuil devant son foyer solitaire, inconsolée mais non inconsolable, parce qu’elle avait foi en Dieu et qu’elle attendait son fils.

Aujourd’hui, Pierre est marié, et déjà père de deux enfants, que la mère Souci embrasse et dorlote du matin au soir. Il habite la maison paternelle, et dirige lui-même les travaux. Levé le premier, couché le der-