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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/163

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LE PÈRE MATHURIN

Comme il s’ennuyait tout seul dans sa grande maison de pierre sur le bord de l’eau, il lui passa un jour par l’esprit l’idée de se donner à ses deux gendres qu’il aimait beaucoup, espérant bien achever tranquillement sa vie au milieu d’eux.

Il se donna donc, par devant notaire public, et le contrat une fois signé, dont copie fut faite en triple expédition, le père Mathurin, les deux gendres et les deux femmes, ne formèrent plus qu’un seul et même ménage.

Tout alla admirablement bien pendant les six premiers mois, et le père Mathurin disait à qui voulait l’entendre, qu’il était une grosse bête de n’avoir pas songé à se donner dix ans plus tôt.

Le septième mois, — on était alors en automne, — un nuage vint à passer sur ce beau ciel bleu.

Il faut savoir que le père Mathurin, comme tous les vieillards qui sont riches, avait beaucoup d’amis et qu’il aimait à causer.

Or donc, bon nombre de vieux se rendaient chez lui. On fumait, on jasait, le père Mathurin prenait son petit coup, et comme il n’était pas seul, tous en prenaient. De temps à autre il retenait quelques vieillards à souper, et alors on passait la veillée à jouer au major ou au dix.

Ces innocentes réunions furent les premiers boulets tirés sur la bonne harmonie qui régnait dans la famille.

Les gendres, trouvèrent que ces veillées causaient de grosses dépenses, que c’était un gaspillage, que si ça continuait, on finirait par se mettre dans le chemin ; de leur côté, les femmes crièrent bien haut qu’il n’y avait plus moyen de tenir la maison nette, que cette bande de vieux tousseurs venait mettre les « catalognes » hors de service avec leurs crachats et la crotte