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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/183

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LES TROIS VÉRITÉS.

Dès qu’il fut rempli, le spectre ramena sous le linceul la main décharnée qu’il avait tendue, reprit lentement le chemin de l’armoire et disparut bientôt avec le même bruit qui l’avait précédé.

Jean ne savait au juste s’il veillait ou s’il était devenu le jouet d’un horrible cauchemar, mais pour rien au monde il n’eut osé hasarder un mot inquisiteur sur la scène étrange dont il était le témoin involontaire, tant il avait présente à la mémoire la sage maxime que lui avait donnée son ancien maître : il ne faut jamais se mêler des affaires d’autrui.

Cependant l’hôtelier se leva de table, Jean fit de même, tout en jetant un regard plein d’amers regrets sur ces bonnes choses auxquelles il n’avait guères touché, et les lumières venant à s’éteindre comme par enchantement, tous deux demeurèrent dans une obscurité profonde.

Le pauvre Jean, plus mort que vif, s’orienta le long de la muraille pour regagner sa chambre. Arrivé en face de la porte, elle s’ouvrit d’elle-même, et à la lueur incertaine de la lune, il aperçut un lit étroit, qu’il se mit à inspecter de toute manière dessus et dessous, le tâtant et le défaisant pour s’assurer qu’il ne recélait point quelque piège.

Satisfait de ce côté, il songea au bon Dieu qui ne l’avait pas encore abandonné jusqu’à ce jour, et il se mit dévotement à genoux pour faire ses prières et se recommander à tous les saints du Paradis ; puis, sans se donner la peine de se déshabiller, il se jeta sur le lit après avoir mis toutefois, à sa portée, son lourd bâton de mérisier.