Aller au contenu

Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
PIERRE CARDON.

« Que n’altère point le temps destructeur ? Nos pères moins bons que nos ayeux, nous ont fait plus méchants qu’eux-mêmes ; pour laisser bientôt à notre tour des enfants plus méchants que nous. »



Au moment où commence cette histoire, un groupe de curieuses désœuvrées appartenant à la plus basse classe de l’endroit, stationnait devant l’église en face d’une douzaine d’élégantes voitures d’été, attendant leurs maîtres, et échangeait une conversation du plus haut intérêt, s’il faut en juger d’après les fréquents points d’exclamation et d’admiration qui animaient le dialogue.

— Est-elle chanceuse, tout de même ? disait une vieille avec une volubilité étonnante et d’une voix aigre et criarde. Quand on pense que j’ai vu venir ça au monde, et qu’au meilleur de ma connaissance ça toujours couru nu-pieds jusqu’à sa première communion, et que maintenant parceque ça a été au couvent et que ça sait jouer de la musique et parler dans les termes, ça va devenir une des plus huppées du village. Va-t-elle faire la dame un peu ! Je gagerais ben qu’elle ne voudra plus, pour beaucoup, visiter seulement ses voisines. Mais voilà comme ça va aujourd’hui, on ne se reconnaît plus : le pauvre monde vire tout à l’envers. Il y a vraiment de quoi perdre la tête ! Pour ma part, je sais ben que si la petite Martin eut été ma fille propre, aussi vrai que mon nom est la Sans-Regret, elle n’aurait jamais épousé M. Cardon.

— Mon Dieu ! ne dirait-on pas que la Sans-Regret est jalouse, objecta hardiment une des femmes qui l’é-