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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/221

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FORTUNÉ BELLEHUMEUR.

ne suis pas un personnage difficile comme il y en a tant qui ne trouvent jamais rien de bon… Je m’accommode fort bien d’une nourriture saine et abondante, et je me sens très-disposé à rendre hommage à l’excellence de votre talent culinaire… Mais où donc est la salle à manger ?…

Eh quoi ? pensait M. Sagamité, dont la figure passait, en ce moment, par toutes les gradations d’un simple étonnement à un hébétement profond ; eh quoi ? est-ce que ce grand diable d’homme est sourd ?…

— Où est la salle à manger ?… répétait M. Bellehumeur d’une voix de tonnerre. Où est-elle cette salle à manger ?… Et saisissant en même temps M. Sagamité d’un bras d’Hercule et le faisant pirouetter deux fois sur lui-même, M. Bellehumeur se précipita dans la cuisine, se promettant bien de soutenir son rôle de sourd jusqu’au bout.

Puis, M. Fortuné Bellehumeur se redressant de toute sa hauteur dans une attitude qui ne manquait pas de majesté, étendit les deux mains au-dessus de la tête de l’hôtelier, comme pour le bénir, et lui débita le discours suivant d’un ton cadencé et solennel, mais si rapide que M. Sagamité ne put placer un seul mot :

— Je vois avec plaisir, M. Sagamité, que votre cuisine est parfaitement tenue. Je dirai plus — par la variété des mets que vous faites cuire, il m’est évident, clair et patent, manifeste et visible, c’est-à-dire hors de tout doute possible présent et à venir, que vous avez à cœur de plaire à tous les goûts. En effet, de gustibus non est disputandum ;… tot capita tot sensus… ce qui signifie clairement que chacun n’a pas le même appétit, ou bien que tout le monde n’aime pas le veau.

Je remercie aussi le saint patron des voyageurs de m’avoir conduit, ce soir, sous votre toit hospitalier où vous tenez toujours, — avec une prévoyance au-dessus