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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/224

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FORTUNÉ BELLEHUMEUR.

Une immense stupéfaction accueillit ce discours, pendant lequel chacun s’était assis, mais bientôt un silence profond, solennel, se répandit dans toute l’assemblée. Tous les yeux s’étaient fixés sur M. Fortuné Bellehumeur, qui, le dos tourné au feu, les jambes et les basques écartées, avait un faux air du colosse de Rhodes, et continuait à promener, du haut de sa grande taille, sur tout l’auditoire étonné, un regard paternel empreint d’une bienveillance sans bornes et d’une exquise courtoisie.

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Il y avait déjà trois minutes et quarante-cinq secondes que durait ce silence profond pendant lequel on aurait pu entendre le vol d’une mouche, quand M. César Auguste Plumitif père, s’armant de tout son courage, se décida à se lever, et marchant douze pas en cadence du côté du feu, vint s’arrêter, à une distance respectueuse, en face de M. Fortuné ; puis, se levant sur ses pointes, lui tint à peu près ce langage, d’une voix légèrement émue qu’il cherchait à rendre aussi forte que possible, en se faisant un porte-voix avec les deux mains, comme s’il se fût agi de héler un navire voguant à grande distance :

— Monsieur est assurément un étranger, certainement ? ….

Mais M. Fortuné Bellehumeur ne répondit pas plus qu’une souche.

— Je gagerais, en vérité, que monsieur est un étranger ? … continua M César Auguste, avec plus d’assurance, en haussant le volume de sa voix. Nouveau silence.

Cette fois, M. César Auguste se mit à crier de toutes ses forces :

— Je gagerais bien un louis que monsieur n’est pas du pays ?….