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PIERRE CARDON.

jamais eu à lui reprocher gros comme la tête d’une épingle, et cependant il n’a pas coutume de ménager les gens. Oui, Seigneur ! pour le sûr, qu’elle est une fille rare : c’est dévot et beau comme le jour, et pas fière ; elle a tout pour elle. Mais voilà ce que c’est, quand on a le fond noir, on trouve toujours quelque vice chez les autres. Je vous le demande un peu à vous autres, si vous n’auriez pas fait comme la petite Martin. Les riches ne sont pas déjà si communs, qu’il faille leur donner la pelle quand ils se présentent, et surtout s’ils sont jeunes et bien bâtis. D’ailleurs il me semble qu’on ne doit pas être bien fine pour aimer mieux à se faire servir et à faire la dame, que d’aller en journée et travailler à la sueur de son front chez les étrangers. Le simple bon sens le dit. Quant à mon pauvre mari s’il boit quelquefois, il ne laisse pas pâtir ses enfants, et il ne doit pas dans toutes les auberges comme le traîneur de chemins de la Sans-Regret.

— Bonté divine ! vociféra la vieille, en joignant ses mains décharnées, est-il possible de se voir affrontée de même, à mon âge ?

La discussion menaçait de tourner au tragique, quand le cortége qui en faisait les frais, vint, fort à propos, à sortir de l’église.

À cette vue nos deux mégères se turent tout-à-coup pour se ranger chacune avec ses partisans, de chaque côté de la porte principale.

Un murmure d’admiration parcourut les deux rangs, lorsque les nouveaux mariés sortirent de l’église suivis d’un cortége nombreux et bruyant de parents et d’amis. Chacun des conviés remonta lestement en voiture et bientôt toute la noce gagnant le bas du village, disparut dans un tourbillon de poussière.

Nos curieuses, de leur côté, s’étant divisées en deux