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TÉLESPHORE LE BOSTONNAIS.

— Tout — excepté la mort, répondit l’étranger d’une voix grave et caverneuse en rejetant sa cagoule et montrant son visage affreux dans toute sa hideuse laideur.

— La Mort !… La Mort !… fit le Bostonnais reculant de trois pas et raffermissant sur sa tête, d’un coup de poing désespéré, le chapeau tromblon qui vacillait d’épouvante — La Mort !… mais je ne puis venir avec toi !… Je suis encore trop jeune et j’ai trop envie de vivre !… Il faudrait être cruelle

— Chansons que tout cela, répartit la Mort, hier, il y a plus d’un siècle, un poète aux abois m’adressait la même jérémiade :

La Mort a des douleurs à nulle autre pareilles
La Mort On a beau la prier,
La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles
La Mort Et nous laisse crier.

Eh ! que me font à moi vos projets, vos ambitions, et vos plaisirs, misérables passagers d’un jour que vous êtes ?… S’il me fallait écouter aux doléances de chacun, c’en serait fait bien vite de mon vaste empire Allons Télesphore, vas faire tes adieux et dépêchons-nous.

— Jamais ! Jamais !… Jamais ! exclama le Bostonnais puisant dans son amour et son désespoir un courage surhumain. Mais sais-tu bien, Mort implacable que tu es, sais-tu bien que les violons que tu entends sont les violons de ma noce ? et tu viens m’inviter brutalement à t’accompagner ?… Mais que deviendrait ma chère Lucie sans son Télesphore ?… Elle en mourrait, ma pauvre petite Luce !… Tu vois bien que ta proposition est hors de propos !…

En disant ces derniers mots, Télesphore le Bostonnais avait pris la pose du lutteur antique et semblait défier son vis-à-vis à un combat à outrance ; tant il est