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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/248

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TÉLESPHORE LE BOSTONNAIS.

Et M. Télesphore le Bostonnais cédant à un de ces entraînements de joie folle que ne peuvent pas toujours contenir les naturels même les plus braves après avoir échappé — comme par miracle — à un grand danger, se précipita radieux et triomphant dans la salle du bal où il se mit à gambader, à sautiller, à frétiller comme un perdu, faisant assaut de souplesse et de grâce avec le grand Pétoche La Babiche, aux applaudissements prolongés de toute l’aimable société électrisée par de si belles prouesses chorégraphiques.

Soixante ans se sont écoulés depuis la journée mémorable qui vit les noces de Télesphore le Bostonnais, et depuis cette époque bien des changements sont survenus, bien des acteurs qui ont paru tantôt si animés sur notre scène, ont disparu pour toujours. Quel grave sujet de méditation, chers lecteurs, que le cours irrésistible du temps qui change, modifie, détruit ou transforme tout ce qui existe ici-bas : les hommes, les mœurs, les sciences, les modes, les titres, les langues, les expressions et jusqu’à la manière de parler et d’écrire ?

Tempora mutantur, et nos mutamur in illis.

Nous allons cependant retrouver Télesphore le Bostonnais dans la même maison où nous le laissâmes le jour de la Saint Antoine de l’année 1779. À cette époque de foi et de patriotisme, on croyait naïvement que c’était un crime de vendre l’héritage paternel, et le démon de l’argent ou de l’ambition n’avait encore inspiré à personne l’idée de quitter la patrie ou de vendre ses frères.

Le Télesphore que nous retrouvons n’est plus le mousquetaire si pimpant, si allègre, si martial du jour