De ce train de vie superbe et fastueux que nous venons d’esquisser à grands traits, il y avait loin, bien loin à l’humble et heureuse existence du frère cadet.
Parvenu, à force de travail, de zèle et de patience à la position modeste mais honorable de teneur de livre dans le magasin où il était entré, quelques années auparavant, comme commis surnuméraire, — Théodore, qui s’était contenté du nom de son père, rassuré sur l’avenir et cédant lui aussi au besoin inné dans l’homme de se créer un foyer domestique, s’était marié à son tour et était devenu papa et un heureux papa.
Par un bonheur qui n’échoit pas à tout le monde, il avait épousé une jeune fille, sans fortune il est vrai — mais qui était la piété et l’industrie même — qualités infiniment plus rares qu’on ne pense, de nos jours, — qui ne vont pas toujours de pair, et qui valent, — à mon avis ou je me trompe fort — beaucoup mieux dans le ménage qu’une très-grosse dot unie à de malheureuses dispositions pour la gaspiller, car il n’y a point de fortune, si colossale qu’elle soit, qui ne puisse à la longue, s’amoindrir, s’écorner et finalement fondre tout à coup au moyen du luxe et du gaspillage ; tandis que le moindre petit magot soigné avec une économie bien entendue, — sous la direction d’une femme sage et industrieuse, — finit toujours par grossir quelque peu à la façon des avalanches, et quelquefois par donner des rentes à ceux-là même qui au début de leur carrière étaient loin d’en avoir ou d’en attendre, et n’y songeaient certes pas plus qu’à voir tomber sur leur tête quelqu’une de ces aërolythes dont Mr. l’abbé Moyen nous parle si bien et si savamment. Ainsi donc, chers lecteurs, quoique Théodore soit loin de rouler gros train, il est heureux, parfaitement heureux dans son ménage, où règnent l’ordre, l’économie et l’amour du travail. Il a des enfants qui lui font honneur, car ces chers petits