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PIERRE CARDON.

Martin qui travaillait de l’aviron plus fort que jamais et gagnait à l’avenant, voulut remplacer sa maisonnette par une véritable maison à deux étages. Mais avant de se mettre à l’œuvre, il mit sa fille en pension dans le couvent du village voisin, en la recommandant tout particulièrement aux bonnes sœurs.

Elle ne tarda pas à se faire remarquer parmi ses jeunes compagnes ; et quand le temps des vacances fut arrivé, le père tout joyeux des succès de sa fille, fut fier de lui dire, en approchant de sa nouvelle demeure ; tiens, ma fille, voilà ta maison, es-tu contente ?

À mesure que Marie grandissait, il lui ménageait, aussi souvent qu’il le pouvait, quelque nouvelle surprise, qui venait ajouter au confort de la maison. Un sourire, un baiser de sa fille, le payaient amplement de ses plus grands sacrifices, car il ne l’aimait pas seulement, il l’idolâtrait.

— Catherine, dit-il un soir à sa femme, il faut que nous achetions un piano à Marie. On est si content d’elle au couvent, que la voilà devenue maîtresse de musique. J’ai dans l’idée qu’elle fera une fière musicienne, car la Supérieure m’a dit tout-à-l’heure qu’elle avait un talent rare. Avec les économies que nous avons devant nous, et quelques coups d’aviron de plus, nous pourrions en avoir aisément un d’ici à la St. Jean Baptiste. Ça tombera justement quelques jours avant sa sortie du couvent, et ça ne sera pas le plus vilain meuble de son trousseau, quand nous la marierons, qu’en penses-tu ?

Catherine avait coutume de penser comme son mari, surtout quand il s’agissait de faire plaisir à leur fille unique ; aussi le piano arriva-t-il la veille de la fête.

Le lendemain fut un grand jour dans les annales domestiques de la famille Martin.

Quoiqu’il fût strictement économe, le digne traver-