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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/263

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LES TROIS FRÈRES

L’impression première que fit l’oncle Jules ne lui fut guère favorable. Son extérieur, à vrai dire, n’avait rien qui annonçât le luxe et le superflu, aussi sa belle-sœur se promit-elle d’avance, dès la première entrevue, que jamais, au grand jamais, ce beau frère tombé des Indes ne ferait l’ornement de son salon. Toutefois comme la parole a été donnée à l’homme, sans excepter la femme, pour déguiser sa pensée, la première journée fut consacrée presque toute entière au plaisir de se revoir et à cet échange de politesses banales auxquelles le savoir-vivre a bien plus de part que le cœur.

Le second jour, l’oncle Jules avait encore baissé d’un cran dans l’estime de sa belle-sœur. Cette fois l’on avait découvert que non-seulement le cher parent était pauvre, mais qu’il joignait à ce crime beaucoup de bon sens et trop de franchise. Aussi le troisième jour le prit-on sur un ton cérémonieux, et le quatrième sur un ton encore plus cérémonieux. Le jour suivant, les enfants lui tournaient les talons dès qu’ils avaient fini de dîner, et Madame envoyait à tout hasard, en guise d’essai, à l’adresse de son beau-frère, des épigrammes plus ou moins réussies sur les inconvénients de la pauvreté, qu’il ne daigna pas même relever.

Le sixième jour, guerre ouverte. Bref, au bout de la semaine, Mr. Martin de la Martinière déclarait à son frère qu’il devait au repos de la maison et à l’affection de sa femme, de le prier d’aller ailleurs.

— C’est-à-dire qu’on me chasse. Fort bien, Monsieur mon frère, fit l’oncle Jules, vous présenterez mes saluts à Madame, et vous pouvez l’assurer qu’à l’avenir je me dispenserai de la revoir.