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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/266

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LES TROIS FRÈRES.

Mr. de la Martinière alla donc tout droit cher Théodore, où il n’avait pas mis les pieds depuis dix ans.

Mais si sa venue causa de l’étonnement, la scène qui suivit en causa bien davantage.

— Comment, fit Alfred en s’adressant à l’oncle Jules, comment, tu reviens des Indes, riche à millions et tu te présentes à Paris déguisé en marchand de bric à brac ?

Eh qu’importe, repartit l’oncle Jules, crois-tu que l’habit fait le moine, et mon costume me donne-t-il une piastre de plus ou de moins ? Va, je remercie le Ciel de n’en avoir jamais porté d’autre, car il m’a permis d’apprécier, à leur juste valeur, les sentiments qu’on nourrissait à mon égard. Monsieur de la Martinière, dès aujourd’hui, je vous prie de ne plus me considérer comme votre frère, car moi je m’appelle Martin tout court, je ne rougis pas du nom de mon père, et je saurai toujours le porter honorablement et le faire respecter. Dès demain, je m’associe Théodore, et si comme on le dit, j’ai des millions à partager, le partage sera vite fait, car ils ne sortiront point de cette famille modèle j’ai rencontré, dans une noble et sainte effusion, les qualités qui honorent le plus : l’amour filial et fraternel et un dévoûment désintéressé et à toute épreuve. Je n’en dirai pas autant de chez vous, Monsieur mon frère, et pour cause, quoique vous ayez jugé à propos de vous anoblir, pour plaire sans doute à la sotte vanité de Madame. Mais vous saurez que la noblesse aujourd’hui ne consiste plus dans de vains titres achetés d’ordinaire par l’intrigue ou à poids d’argent, quelquefois même aux dépens de l’honneur ; non, Monsieur de la Martinière, mille fois