la vieille demeure, et les volets verts, mais primitivement gris, qui garnissaient les fenêtres aux vitres étroites, contribuaient encore à lui donner un air tout-à-fait jeune, riant et coquet.
Tout en face, sur le rebors du chemin, la grève descendant en pente douce, offrait un terrain planté d’arbres et d’arbustes, que Madame Cardon avait fait entourer d’une clôture, pour y établir son jardin.
C’était elle-même qui en avait tracé le plan, et chaque soir, pendant les longues soirées d’été, on la voyait joyeusement affairée, trottant d’un pas léger parmi ses petits sentiers et dirigeant les travaux horticoles de son mari, qui avait voulu être son élève et son très-humble et obéissant jardinier. Les heures s’envolaient joyeuses au milieu de ces douces et innocentes occupations. Souvent le père Martin venait à la nuit tombante, surprendre ses enfants — il ne les appelait pas autrement — et ce n’était pas chose fort difficile, puisque le jardin se trouvait penché sur la rivière. Il n’avait qu’à ne pas chanter sa chanson favorite, en guidant silencieusement son canot, le long de la rive, pour être sûr de les voir sans être vu. Plus d’une fois, le bonhomme s’était oublié, dans une muette extase, à les contempler se promenant sous un berceau de feuillage que leurs mains avaient élevé. À la vue de sa chère Marie si heureuse, et d’un gendre dont il était fier à si juste titre, des larmes de joie venaient mouiller sa paupière, mais l’heureux père les essuyait bien vite et entonnait de sa voix la plus retentissante :
En roulant ma boule,
ma boule roulant.
À ces paroles aimées et connues, répondaient deux cris joyeux : voilà papa ! et Pierre et Marie s’élançaient au-devant du vieillard attendri.