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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/36

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PIERRE CARDON.

vérité, lecteur, il est magnifique dans notre chère patrie ; mais le bon Dieu l’a voulu ainsi, et il sait bien ce qu’il fait, comme dit le bon Garo du bon Lafontaine. L’automne arriva donc à pas de loup, et les feuilles commencèrent à se faire jaunes, rouges, de toutes couleurs ; puis, vint le vent qui les fit tomber une à une, et, un beau matin, ou plutôt un triste matin, il n’y en eut plus. Chaque jour le soleil se levait plus tard et plus triste. On eût dit qu’il semblait réserver l’ardeur de ses rayons bienfaisants pour des climats plus favorisés, comme s’il eut eu regret de réchauffer des arbres dépouillés et des terres presque nues ne montrant plus çà et là qu’une herbe flétrie et mourante.

Adieu les belles et fraîches nuits d’été ! Adieu les beaux clairs de lune et les douces brises faisant trembler la surface étincelante du fleuve, où se berçaient les étoiles ! Mais Madame Cardon regretta peu l’été et ses charmes. Une occupation bien plus sérieuse s’était emparée de son esprit et avait donné une autre direction à ses idées : elle allait devenir mère.



Un jour Madame Cardon, que les pauvres du village appelaient, depuis son mariage, leur chère petite Dame du bon Dieu, car elle savait consoler et soulager leur détresse avec ce tact merveilleux qu’ont seuls la femme et le Prêtre, se rendit jusqu’à la demeure de la Sans-Regret, dont elle avait appris le profond dénuement. Cette maison était située dans la plus pauvre rue du village, et offrait l’aspect le plus pitoyable. On eût dit, à la voir, que ses propriétaires avaient pris à cœur de la laisser tomber en ruines. Des pierres manquaient