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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/93

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LES DEUX VOISINS.

enragée. » C’est la meilleure école que je sache pour un jeune homme de cœur. Il embrassera ensuite la carrière qu’il aimera de préférence, ce n’est pas moi qui voudrais le contrecarrer dans ses goûts, car je suis convaincu qu’il choisira celle qui lui ira le mieux et qu’il deviendra un citoyen aussi honnête qu’utile, et un bon père de famille.

Quant à mes filles, j’ai encore devant moi du temps et je n’en suis point en peine, car une fille honnête, sage, rangée, trouve toujours à s’établir. Les miennes, il est vrai, n’ont pas reçu une brillante éducation, jamais, au grand jamais, elles n’ont lu de roman, ni mis le pied dans un théâtre ; jamais non plus, elles n’ont fréquenté une société d’un rang plus élevé que le nôtre, mais elles ont appris, depuis longtemps, à aimer la maison et le travail, leurs habitudes sont toutes sédentaires et leur tenue est modeste. Quand une jeune fille ne sait pas d’avance si elle sera toujours grande dame, il est prudent de ne pas l’élever dans la soie et dans la ouate comme une poupée.

À voir la façon dont certaines gens élèvent aujourd’hui les leurs, on dirait vraiment qu’on n’a plus en vue que d’en faire des fiancées, qu’elles n’auront jamais à remplir les devoirs austères de l’épouse, que leur unique occupation sera de pianoter du matin au soir, de roucouler des romances et de courir d’une soirée à l’autre. Est-ce que l’honnête homme qui désire une femme selon son cœur n’ira pas la chercher au milieu d’une famille simple et honnête, plutôt que sur le parquet glissant d’une salle de bal, et s’il se décide à épouser une jeune fille sans fortune, ne laissera-t-il pas de côté celle dont l’apparence lui annoncera la prodigalité et le gaspillage, pour prendre une femme qui sache ménager, conserver et accroître le peu qu’il possède ?