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Si, sur le front hautain de son fier compagnon,
Un geste d’admiration
Ne le remercîra du luxe qu’il étale.
On s’asseoit. L’autre rat, nouveau Sardanapale,
Mange du bout des dents, ne trouve rien de bon,
Tandis que son amphytrion
Grignotte avec délice un morceau de lard rance.
— « Ami ! lui dit enfin le trop superbe rat
« En prenant un air d’importance,
« Vous me faites pitié !… Ce brillant apparat
« Me montre clairement votre affreuse indigence,
« Vous vivotez en malheureux,
« Moi je regorge d’opulence…
« Venez dans mon palais, vous serez plus heureux,
« Et bientôt vous verrez quelle énorme distance
« Nous sépare aujourd’hui tous deux.
« Peut-on dans un taudis être plus misérable ?…
« Vous vivez, c’est bien vrai… mais êtes-vous certain
« De pouvoir vivre encore demain ?…
« Si quelque maladie arrive et vous accable,
« Faute d’une main secourable
« Seul ici vous mourrez de misère et de faim
« Dans mon palais à moi, la table est toujours prête.
« Du matin jusqu’au soir et du soir au matin
« Nous ne ferons rien qu’une fête…
« Et je ne parle pas des superbes lambris,
« Et des moelleux coussins, et des riches tapis…
« Et des mille flambeaux qui durant la nuit sombre
« Étincellent dans l’ombre…
« Et des plats succulents, tentateurs et sans nombre…