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Tam connaissait bien, car dès sa jeunesse, il avait été sur les roches et il ne s’en rapportait qu’à lui pour la conduite de l’opération. Le voilà donc suspendu par une corde le long de la paroi du roc, à l’endroit le plus haut et le plus abrupt ; au sommet, une vingtaine de gaillards tenaient la corde et attendaient les signaux convenus. Les « fous » piaillaient et voletaient en désordre ; en bas, la mer battait l’îlot coupé à pic.

Il faisait beau et Tam sifflait quand il saisissait les jeunes oiseaux. (Maintes fois je l’ai entendu conter cette aventure et chaque fois, la sueur perlait sur son front à ce souvenir.) Voici le fait.

Par hasard, Tam leva la tête et fut stupéfait de voir un des oiseaux qui déchirait la corde avec son bec. Il trouva la chose peu ordinaire et tout à fait en dehors des habitudes de ces volatiles. Il savait que les cordes, si solides qu’elles soient, ne résistent pas longtemps à de tels efforts, et que la chute qu’il pouvait faire était de deux cents pieds.

« Chut, cria-t-il, va-t’en, animal, va-t’en ! »

Le « fou » regarda Tam et celui-ci vit quelque chose d’étrange dans le regard de cette bête. Ce ne fut qu’un coup d’œil rapide qu’il en reçut, car elle se remit aussitôt à sa besogne. Or, jamais « fou » n’avait si bien travaillé, et il semblait conscient de ce qu’il faisait, s’employant à user la corde entre son bec et une aspérité du rocher.

Tam sentit le froid de la mort entrer dans son cœur. « Cela n’est pas d’un oiseau », pensait-il ; ses yeux s’obscurcirent et le jour lui parut noir. « Si je m’évanouis ici, se dit-il, je suis perdu », et il donna le signal qui devait le faire remonter.

Mais le « fou » semblait comprendre les signaux, car tout aussitôt, il lâcha la corde, fit entendre un cri aigu, étendit les ailes, tourna une seconde dans l’espace et