Page:Stevenson - Catriona.djvu/176

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on verrait peut-être des couteaux en l’air. Puis, si on vous faisait quelque question à mon sujet, vous auriez une excuse toute prête. « Nos vies étaient en danger avec ces sauvages ; répondant de ma sûreté, vous avez pris le parti de me soustraire à leur voisinage et de me garder sur le bateau jusqu’à l’heure prescrite. » Et savez-vous, Andie, je crois que ce parti est le meilleur pour vous ?

— Il est certain que je n’ai aucune envie d’en venir aux mains avec Neil, dit-il ; Tam Anster, que nous enverrons les chercher, s’en tirera mieux que moi, car il est de Fife, où le gaélique se parle encore. Oui, oui, Tam s’en tirera très bien, et plus j’y pense, plus il me semble que nous ne serons pas inquiétés. Le lieu du débarquement ? en effet, ils ont oublié de le désigner ! Vous êtes un habile compagnon, Sharos, quand vous vous y mettez ! Sans compter que je vous dois la vie », ajouta-t-il en me tendant la main pour conclure le marché.

Là-dessus et sans plus de paroles, nous sautâmes dans le bateau et hissâmes les voiles aussitôt. Les Highlanders étaient occupés à faire la cuisine, mais l’un d’eux étant sorti du bâtiment, surprit notre fuite avant que nous fussions à vingt brasses de l’îlot ; tous les trois se mirent à courir dans les ruines et sur les rochers, comme des fourmis sur une fourmilière éventrée, nous criant de revenir de toute la force de leurs poumons. Nous étions encore à l’abri et à l’ombre du rocher, mais bientôt, la brise enfla les voiles et, en même temps, nous fûmes au soleil et poussés par un bon vent. Les cris des Highlanders ne nous parvenaient plus et nous pûmes nous imaginer à quelles folles terreurs nous les avions abandonnés, sans l’appui d’un être vivant et sans même la protection d’une Bible, ni la consolation d’une bouteille d’eau-de-vie !