Page:Stevenson - Catriona.djvu/197

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pleine séance, de là, aux mains du jury, où elle fit son œuvre et elle disparut alors comme par hasard avant d’être arrivée à la défense. On jugea cet expédient comme il le méritait et j’eus honte pour Catriona que le nom de son père fût mêlé à cette infamie.

Le jour suivant, de bonne heure, lord Prestongrange monta à cheval et je le suivis avec une nombreuse escorte. Une fois à Glasgow, nous y séjournâmes quelque temps à ma grande impatience et j’y passai de longues journées partagées entre les affaires et les plaisirs. Je logeai dans la maison du lord, qui ne cherchait qu’à me faire entrer davantage dans son intimité ; j’avais ma place dans toutes les parties de plaisir, j’étais présenté à tous les personnages et on me faisait plus d’honneur que n’en méritaient mon âge et ma situation. J’en étais même honteux pour Prestongrange et ce que j’avais vu du monde pendant ces derniers mois, avait jeté une ombre sur mon humeur. J’avais fréquenté bien des gens, quelques-uns étaient chefs en Israël, et combien parmi eux avaient les mains nettes ? Quant aux Brown, aux Miller et compagnie, je connaissais maintenant leurs mobiles secrets, je ne pouvais plus avoir d’estime pour eux. Lord Prestongrange était parmi les meilleurs, il m’avait sauvé ou plutôt épargné, quand les autres lui demandaient ma vie ; mais le sang de James pesait sur lui et je ne pouvais lui pardonner son hypocrisie actuelle avec moi. Il affectait, en effet, de prendre un plaisir infini à ma société et à ma conversation. Je l’observais souvent avec un mépris à peine contenu. « Ah ! mon ami, mon ami ! pensais-je, si vous étiez délivré de cette affaire du Mémoire, comme vous me chasseriez à coups de pied jusque dans la rue ! »

En cela, j’étais injuste, l’avenir l’a prouvé, et je crois qu’il était alors plus sincère, mais aussi encore plus comédien que je ne le supposais.