Page:Stevenson - Catriona.djvu/263

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donc de sages réflexions et je me dis que puisque nous étions engagés tous deux dans cette fausse situation, il fallait que ma manière d’être fût rigoureusement correcte. Cette jeune fille dépendait de moi, elle n’avait rien au monde et, dans le cas où sa vertu serait alarmée, elle n’avait point de refuge. Les circonstances m’avaient rendu son protecteur, et je serais sans excuse si j’abusais de la situation pour lui faire même la cour la plus honnête et la plus banale. J’aurais donc à me tenir sur la réserve, sans exagération pourtant, car si je n’avais aucun titre à jouer le rôle d’amoureux, j’avais le devoir de jouer celui d’hôte et de tâcher de m’y rendre agréable. Je devais donc déployer beaucoup de tact et de réserve, plus peut-être que mon âge n’en comporte d’ordinaire. Je m’étais jeté tête baissée dans une situation où un ange même aurait eu peur de se risquer, il me fallait des règles de conduite et je priai Dieu de me donner la force de les observer. Comme moyen pratique d’atteindre le même but, j’achetai un livre de droit afin de me mettre à l’étude. Ma conscience satisfaite par ces graves réflexions, les pensées joyeuses reprirent le dessus, et ce fut comme avec des ailes que je repris le chemin de mon logis ; l’image de celle qui m’attendait entre ces quatre murs faisait battre mon cœur à le rompre.

Dès mon retour, les difficultés commencèrent, elle courut au-devant de moi avec un plaisir évident et qui me charma ; elle avait revêtu le costume neuf qui lui allait à ravir ; elle se mit à marcher devant moi et à exécuter des révérences, pour que je l’admirasse. Je le fis sans doute avec mauvaise grâce, car les paroles s’arrêtaient dans ma gorge.

« Eh bien, dit-elle, si ma belle toilette vous laisse indifférent, voyez du moins comment j’ai arrangé nos chambres. » Et elle me montra tout bien balayé et en ordre, le feu brillant dans les deux cheminées.