Page:Stevenson - Catriona.djvu/264

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Je saisis ce prétexte de me montrer plus sévère que je n’en avais envie.

« Catriona, dis-je, je suis très mécontent de vous, il faut que l’un de nous ait l’autorité pendant que nous serons ensemble ; il est plus naturel que ce soit moi, qui suis l’homme et le plus âgé ; eh bien, je ne veux pas que vous vous occupiez de ma chambre, voilà l’ordre que je vous donne. »

Elle me fit une de ses réflexions si séduisantes.

« Si vous êtes grognon, il faut que je fasse de belles manières avec vous, je serai donc obéissante puisqu’il n’y a pas un fil sur moi qui ne soit à vous ; seulement, tâchez de ne pas être toujours de mauvaise humeur, car je n’ai que vous au monde. »

Je fus profondément touché de ces paroles et je m’empressai, en guise de pénitence, de détruire le bon effet qu’avait pu produire ma semonce. Dans cette voie, les progrès ne furent que trop faciles ; elle m’entraîna en souriant vers la cheminée et en la voyant à la lueur du feu dans ses beaux atours, je la trouvai si belle que mon cœur se fondait d’amour. Notre repas fut délicieux, nous semblions ne plus faire qu’un seul être, même nos éclats de rire avaient un accent de tendresse.

Au milieu de cette joie, je me souvins tout à coup de mes résolutions et avec un simple mot d’excuse je pris le livre que j’avais acheté. C’était un ouvrage du célèbre jurisconsulte Heineccius et je devais y faire des lectures sérieuses les jours suivants, heureux pourtant de n’avoir pas à rendre compte de ce que j’avais lu ! Je crus m’apercevoir qu’en me voyant étudier, elle se mordit les lèvres avec un peu de dépit, je la laissai en effet dans la solitude, car elle n’aimait pas la lecture et n’ouvrait jamais un livre, mais qu’y faire ?

Le reste de la journée se passa ainsi dans le silence. J’aurais voulu me donner les coups, je ne pus m’en-