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conduite. J’allai non pas dans la rue, mais dans la cour, qui était un endroit solitaire : j’aperçus ma fleur (qui m’avait coûté bien plus qu’elle ne valait) qui pendait dans les branches de l’arbre dénudé. Je m’approchai du canal et je regardai la glace, enviant ceux que je voyais patiner sans avoir l’air d’éprouver des soucis. Pour moi, je ne voyais nulle issue du mauvais pas où je m’étais engagé, sinon de remonter dans l’appartement. Je craignais d’avoir trahi le secret de mes sentiments, et ce qui était pis encore, je m’étais montré impoli pour ma protégée sans défense.

Je suppose qu’elle m’avait vu par la fenêtre ouverte, car quelques minutes à peine s’étant écoulées, j’entendis des pas sur la neige et me retournant, j’aperçus Catriona. Elle avait changé de toilette jusqu’à la chaussure et portait maintenant une de celles que je lui avais données.

« N’irons-nous pas faire notre promenade ? » fit-elle d’un ton naturel.

Je la regardai abasourdi.

« Où est votre broche ? » demandai-je.

Elle porta la main à son cou en rougissant.

« Je l’aurai oubliée, dit-elle, je vais courir la chercher et alors, sûrement, nous pourrons faire notre promenade ? »

Il y avait une note suppliante dans sa dernière phrase qui m’ébranla ; je ne trouvai pas de paroles et la voix me faisait défaut, j’inclinai la tête en manière de réponse ; aussitôt qu’elle m’eût quitté, je grimpai à l’arbre, je repris ma fleur et à son retour je la lui offris.

« Je l’avais achetée pour vous, Catriona », lui dis-je.

Elle la fixa à son corsage avec sa broche et me jeta un regard amical.

« Elle n’a pas gagné à ma façon de l’offrir…

— Je ne l’en aime pas moins, pour sûr. »

Nous ne parlâmes guère pendant la promenade, elle