Page:Stevenson - Catriona.djvu/266

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La principale cause de mes embarras était l’extrême innocence de Catriona, qui excitait ma surprise autant que mon admiration. Elle semblait ne pas se rendre compte de notre position réciproque et n’avait pas la moindre idée de mes luttes ; elle recevait avec joie les marques de ma faiblesse, et quand je revenais derrière mes retranchements, elle ne savait pas toujours dissimuler son chagrin. Par moments, je pensais que si elle m’eût aimé éperdument et qu’elle eût fait son possible pour se faire aimer, elle n’eût pas agi autrement. Alors, je retombais dans mes étonnements sur la naïveté de la femme.

Il y avait un point, en particulier, sur lequel nous étions toujours sur pied de guerre. Mes bagages et les siens étaient arrivés ; elle avait donc maintenant deux garde-robes ; tacitement, quand nous étions bons amis, elle portait les costumes que je lui avais donnés, et quand, au contraire, elle n’était pas contente de moi, elle mettait les siens. Elle prétendait se venger ainsi et renier sa reconnaissance ; je le ressentais profondément, bien que je fusse assez sage pour n’avoir pas l’air de m’apercevoir de ce manège. Une fois cependant, je me laissai aller à un enfantillage pire que le sien. J’avais remarqué à une vitrine une de ces belles plantes fleuries que les Hollandais savent si bien cultiver ; je cédai à la tentation et je l’achetai pour elle ; je ne sais pas le nom de cette fleur, mais elle était rose ; je pensais qu’elle l’admirerait et je l’emportai avec un cœur plein de tendresse. En arrivant, je trouvai Catriona vexée, avec un visage sec et froid. Sans en demander la raison je grinçai des dents et ouvrant la fenêtre, je jetai la plante dans la cour. Alors, moitié par colère, moitié par prudence, je quittai la chambre en faisant claquer la porte.

Sur la première marche de l’escalier, je crus tomber, cela me rappela à moi-même et je vis la folie de ma