Page:Stevenson - Catriona.djvu/54

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vous traite avec la plus paternelle indulgence, vous semblez ne pas vous en apercevoir, et si vous n’êtes pas plus prudent, ma patience pourra se lasser.

— J’apprécie votre bienveillance, mais je la crois inutile », répondis-je avec un semblant d’hésitation, car je voyais que nous jouions un jeu serré. « Je suis venu ici pour vous apporter certaines informations par lesquelles vous serez convaincu qu’Alan n’est pour rien dans le crime de Glenure. »

L’avocat général parut un instant plongé dans ses réflexions, pinçant les lèvres et me dévisageant avec des yeux de chat en colère.

« Monsieur Balfour, dit-il, je vous assure que vous prenez la route contraire à vos intérêts.

— Milord, répondis-je, pas plus que celui de Votre Excellence, mon intérêt n’est à considérer dans cette affaire. Aussi vrai que Dieu me jugera, je n’ai qu’un seul but, c’est de voir la Justice rendue et les innocents acquittés. Dans la poursuite de ce but, s’il m’arrive de déplaire à Votre Excellence, je n’ai qu’à m’y résigner. »

Il se leva, alluma une autre bougie, et, pendant un instant, me regarda dans les yeux attentivement. Je fus surpris de voir comme une certaine gravité se répandre sur ses traits et je crois qu’il pâlit un peu.

« Vous êtes, dit-il, ou très naïf, ou exactement le contraire, et je vois que je dois traiter avec vous plus confidentiellement. Ceci est une affaire politique. Oui, monsieur Balfour, que nous le voulions ou non, c’est une affaire politique et je frémis quand je songe quelle issue elle peut avoir. Les affaires politiques, nous les traitons, je n’ai pas à vous l’apprendre, d’une manière totalement différente des affaires ordinaires. Salus populi suprema lex, on a bien abusé de cette maxime, mais elle a une force que nous ne trouverions nulle part, sauf dans les lois de la nature : c’est la force de la nécessité. Je