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Vous avez dû bien passer votre temps avec de la belle musique et de jolies demoiselles ?

— C’est justement ce qui vous trompe, car j’étais aussi malheureux qu’un poisson sur le flanc d’une montagne. La vérité est que je suis plus qualifié pour aller avec de rudes paysans qu’avec de belles dames.

— Eh bien, je le croirais aussi, dit-elle, et nous nous mîmes à rire tous les deux.

— Une chose étonnante cependant, repris-je, c’est que vous ne m’intimidez pas du tout, tandis que si je l’avais pu, je me serais sauvé quand j’étais avec miss Grant. Votre cousine me fait peur, elle aussi.

— Oh ! je pense qu’elle doit faire peur à tout le monde ! mon père lui-même la craint. »

Le nom de son père me fit tressaillir, je la regardai marchant à mes côtés, je me rappelai cet homme, le peu que je savais de lui, tout ce que j’en devinais et, le comparant à elle, je me sentis lâche de me taire.

« À propos, je l’ai rencontré, votre père, dis-je, et pas plus tard que ce matin.

— Vraiment ? s’écria-t-elle avec un accent joyeux qui sonna faux à mes oreilles, vous avez vu James More ? Vous lui avez parlé alors ?

— Certainement, je lui ai parlé. »

Je pensai que les choses allaient mal tourner, car elle me regarda avec reconnaissance.

« Oh ! merci ! dit-elle.

— Vous me remerciez pour peu », répondis-je, puis je m’arrêtai. Mais il me sembla que puisque j’étais obligé de lui taire tant de choses à ce sujet, quelques mots au moins devaient être dits.

« Nous n’avons pas causé très cordialement, repris-je : il ne me plaît guère, je vous l’avoue, je lui ai assez mal répondu et je crois qu’il est fâché contre moi.

— Je ne vois pas alors ce que vous avez à faire avec