Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/147

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Et aussitôt on commença à se chuchoter les uns les autres dans le gaillard d’avant que Shuan avait fini par lui faire son affaire.

Il n’était pas nécessaire de compléter cette phrase par un nom, nous savions tous de qui il s’agissait, mais nous avions eu à peine le temps de nous former une idée précise à ce sujet, et moins encore le temps d’en parler, que l’écoutille se leva bruyamment, et que le capitaine Hoseason descendit l’échelle.

Il jeta un coup d’œil, d’un air dur, sur les cadres, à la lueur mobile de la lanterne, et alors marchant droit vers moi, il m’adressa la parole, avec bienveillance, ce qui me surprit fort.

— Mon garçon, me dit-il, nous avons besoin de vous pour faire le service de la dunette. Vous changerez de poste avec Rançon. Et dépêchez-vous, que ça ne traîne pas !

Comme il parlait encore, deux marins entrèrent par l’écoutille, portant Rançon entre leurs bras, et comme le vaisseau reçut à ce moment même un choc de vagues qui le coucha brusquement et fit osciller la lanterne, la lumière tomba droit sur la figure du gamin.

Elle était d’une pâleur de cire, et on y voyait je ne sais quel effrayant sourire.

Mon sang se glaça dans son cours et je retins ma respiration comme si j’avais reçu un coup.

— Dépêchez-vous, dépêchez-vous, que ça finisse ! cria Hoseason.

À ces mots je m’élançai en frôlant les matelots et l’enfant qui ne parlait ni ne remuait.

Je montai l’échelle et courus sur le pont.

Le brick s’alarguait, avec rapidité et comme pris de vertige, sur une longue bande de vagues à la cime dentelée.