Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/282

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temps nous en éloignant vers les montagnes, nous réussîmes à nous mettre hors de leur vue.

Mais ce fut là une des plus rudes besognes à laquelle j’aie jamais pris part.

Il faudrait à un homme cent yeux placés sur tout le corps pour arriver à se dérober à la vue dans ce pays inégal, et à la portée de la voix d’un aussi grand nombre de sentinelles.

Quand nous allions à travers un espace découvert, il fallait non seulement aller vite, mais encore apprécier d’un coup d’œil sûr et rapide l’ensemble du terrain et de plus mettre à l’épreuve la solidité de chaque pierre sur laquelle nous marchions, car il pesait sur cet après-midi un tel silence que le roulement d’un caillou résonnait avec le bruit d’un coup de pistolet, et eût réveillé l’écho le plus sonore parmi ces collines et ces escarpements.

Au coucher du soleil, nous avions gagné du terrain, même à une allure aussi lente, quoique nous vissions toujours bien distinctement la sentinelle placée sur son rocher.

Mais nous nous trouvâmes en présence de quelque chose qui eut raison de toutes nos craintes, c’était un ruisseau profond et rapide, qui se creusait un lit dans cet endroit pour rejoindre la rivière de la vallée.

À cette vue, nous nous jetâmes à terre pour plonger dans l’eau notre tête et nos épaules, et je ne saurais dire ce qui nous fut le plus agréable de la brusque sensation de fraîcheur que nous donna cette eau courante, ou de la possibilité d’étancher notre soif ardente.

Nous restâmes là, car les berges élevées nous cachaient. Nous bûmes à plusieurs reprises. Nous nous baignâmes la poitrine. Nous laissâmes nos poignets