Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/321

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tantôt côte à côte, tantôt l’un derrière l’autre ; chacun de nous avait l’air froid et fermé.

Moi, de mauvaise humeur, avec fierté et tirant mon peu de force de ces deux sentiments violents et coupables, Alan, de mauvaise humeur aussi et honteux ; honteux d’avoir perdu mon argent, honteux de voir que je prenais la chose aussi mal.

L’idée d’une séparation s’enracinait de plus en plus fortement dans mon esprit ; et plus j’y penchais, plus j’avais honte d’y aboutir.

C’eût été vraiment beau, vraiment généreux de la part d’Alan, que de s’adresser franchement à moi et de me dire :

— Allez, c’est moi qui cours le plus grand danger, et ma compagnie ne fait qu’ajouter au vôtre.

Mais m’adresser moi-même à l’ami, qui m’aimait certainement, et lui dire :

— Vous êtes en grand danger, moi je ne cours pas grand risque. Votre amitié m’est à charge. Allez avec vos chances et restez seul à supporter vos fatigues et vos privations.

Non, c’était impossible, et la seule pensée, alors même que je la gardais pour moi, me faisait monter le rouge à la figure.

Et pourtant Alan s’était conduit comme un enfant, et, qui pis est, comme un enfant sournois.

Me cajoler pour avoir mon argent pendant que je gisais presque inconscient, ce n’était guère moins qu’un vol ; et cependant il continuait à cheminer près de moi, sans un penny qui fût à lui, et d’après ce que je voyais, tout disposé à vivre sur l’argent qu’il m’avait mis dans la nécessité de mendier.

Vraiment, j’étais tout prêt à le partager avec lui,