Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/20

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– C’est ce que je dis, répliqua mon oncle ; livres sterling ! Et si vous voulez bien aller à la porte une minute, juste pour voir si la nuit est belle, je vais sortir la somme et vous rappellerai.

Je lui obéis, riant en moi-même de mépris, à le trouver si facile à tromper. La nuit était sombre, avec de rares étoiles au bas du ciel ; et, tandis que j’étais sur le pas de la porte, j’entendis un gémissement sonore de vent au loin sur la colline. Je prévis que le temps allait changer et se mettre à l’orage ; mais je ne devinais guère toute l’importance que cela devait avoir pour moi avant la fin de la soirée.

Mon oncle me rappela, puis il me compta dans la main trente-sept guinées d’or ; il avait le reste dans sa main, en petites pièces d’or et d’argent[5], mais le cœur lui manqua, et il fourra ce complément dans sa poche.

– Là, dit-il, cela vous apprendra ! Je suis un peu bizarre, et déconcertant pour les étrangers ; mais je ne connais que ma parole, et vous en avez la preuve.

Cependant mon oncle avait un air si malheureux, que je restai pétrifié devant sa générosité, et que je ne pus trouver de mots pour l’en remercier.

– Pas un mot ! dit-il. Pas de merci ; je n’en veux pas. Je fais mon devoir ; je ne dis pas que tout le monde en aurait fait autant ; mais pour ma part (ce qui n’empêche pas d’être prévoyant) ce m’est un plaisir de faire du bien au fils de mon frère ; et ce m’est un plaisir de penser qu’à présent nous allons nous entendre comme il sied à des amis si proches.

Je lui retournai le compliment de mon mieux ; mais je ne cessais de me demander ce qui allait s’ensuivre, et pourquoi il s’était dessaisi de ses précieuses guinées ; car pour ce qui était de la raison qu’il m’en donnait, un enfant n’y aurait pas cru.

Il me regarda de côté.

– Et à présent, dit-il, donnant donnant.

Je lui affirmai que j’étais disposé à lui prouver ma juste reconnaissance, et je m’attendais à une demande exorbitante. Néanmoins, lorsqu’il eut enfin rassemblé son courage pour parler, il se contenta de me dire (fort exactement, à mon avis) qu’il se faisait vieux et un peu cassé, et qu’il espérait me voir l’aider à tenir la maison et son bout de potager.

Je répondis en lui offrant aussitôt mes services.

– Eh bien, dit-il commençons. (Il tira de sa poche une clef rouillée.) Voici, dit-il, voici la clef de la tour de l’escalier, au bout de la maison. L’on n’y accède que de l’extérieur, car cette partie du bâtiment est restée inachevée. Allez-y, montez l’escalier ; et descendez-moi le coffre qui est en haut… Il contient des papiers, ajouta-t-il.

– Puis-je avoir une lumière, monsieur ? dis-je.